Résurrection profonde
Daniel P. Horan
En théologie et en éco-spiritualité, Il existe un concept appelé « résurrection profonde ». La célèbre théologienne catholique Elizabeth Johnson, Sœur de Saint-Joseph, s'est surtout fait connaître pour avoir développé cette idée, d'abord dans son livre de 2014, Ask the Beasts: Darwin and the God of Love, (Demandez aux bêtes : Darwin et le Dieu de l'amour, recension en anglais du National Catholic Reporter) puis dans un article de 2023 intitulé Deep Resurrection (Résurrection profonde, Revue Modern Believing Volume 64, N° 2) et dans un chapitre de son dernier livre, Come, Have Breakfast : Meditations on God and Earth (Venez, nourrissez-vous : méditations sur Dieu et sur la Terre, présentation en anglais du National Catholic Reporter).
La notion de « résurrection profonde » commence par une réflexion théologique sur la signification de l'incarnation du Verbe pour l'ensemble de la création, et pas seulement pour l'humanité. Cette ligne de pensée remonte au prologue de l'Évangile de Jean et à son affirmation que Dieu n'est pas devenu simplement humain mais « chair » (sarx dans l'original grec). Cela inclut toutes les créatures et affirme que ce que nous célébrons à Noël n'est pas seulement un événement significatif pour l'histoire de l'humanité, mais aussi pour l'ensemble de la création.
Le terme théologique qui désigne l'insistance sur la signification de Noël pour toute la création est ce qu'on appelle l'« incarnation profonde », un terme descriptif introduit par le théologien danois Niels Henrik Gregersen dans un article académique de 2001 (voir ici l'article intégral en anglais). Gregersen explique que « l'incarnation de Dieu dans le Christ peut être comprise comme une incarnation radicale ou "profonde", c'est-à-dire dans le tissu même de l'existence biologique et dans le système de la nature ».
Tout, dans le monde créé, toutes les choses visibles et invisibles, connues et encore à découvrir, sont impliquées dans la décision de Dieu de se faire chair ; toutes les créatures de Dieu sont touchées par le don d'amour et de vie que Dieu fait dans l'Incarnation, et elles en bénéficient.
En devenant chair, le Verbe éternel est entré dans une relation d'interdépendance et de mutualité avec le reste de la création. Comme le fait remarquer Elizabeth Johnson, « Jésus-Christ est au centre de la foi chrétienne. À moins que nous ne puissions voir que sa vie, sa mort et sa résurrection ont un lien intrinsèque avec le monde naturel, ce monde restera à la périphérie de la bonne nouvelle. » Jésus de Nazareth mangeait des aliments qui avaient auparavant été d'autres créatures vivantes et respirait l'air produit par la photosynthèse des plantes.
L'incarnation du Verbe en tant que créature humaine révèle la solidarité divine avec le monde humain et plus-qu'humain. Et de même que cette vision a des conséquences pour notre compréhension de Noël, elle a aussi de profondes implications pour notre compréhension de Pâques et de l'événement de la résurrection.
Johnson explique :
La logique de la résurrection profonde part de l'idée que Jésus de Nazareth, le Verbe fait chair, était partie intégrante de la communauté des vivants sur la terre. Son corps existait comme faisant partie d'un réseau de relations tissées avec tout l'univers physique. Comme un enfant de la terre, il est mort ; la terre l'a réclamé, ainsi il lui retourne, dans sa tombe. Ressuscité des morts par la puissance créatrice de Dieu, il n'est pas né à nouveau comme un pur esprit, mais comme une personne historique entière, membre de la communauté terrestre, radicalement transformé. Ne faisant qu'un avec la chair [sarx] de la terre, son humanité ressuscitée porte l'espoir que la transformation finale du monde à venir sera le salut de tout, y compris de la communauté gémissante des vivants, introduite dans un avenir béni par le saint Dieu d'amour.
Comme l'incarnation profonde dans ses racines scripturaires, la notion de résurrection profonde est anticipée dans certains textes-clés du Nouveau Testament. Elizabeth Johnson pointe la lettre aux Colossiens comme en étant une illustration remarquable. "Un hymne primitif chante que Christ est le 'premier-né d'entre les morts' (Col 1:18)."
Elle ajoute : « Le premier-né, oui, mais pas le seul à être né. La foi chrétienne croit que 'la puissance de Dieu qui l'a ressuscité des morts' (Col 2:12) sera aussiavec nous, les êtres humains, dans nos souffrances et dans notre mort, et prononcera une nouvelle parole de vie au terme de nos vies."
Elizabeth Johnson rappelle aussi que le même hymne christologique de la Lettre aux Colossiens, qui le proclame "premier-né d'entre les morts", commence en fait "en le nommant 'le premier-né de toute la création' (Col. 1:15)." Cela suggère que la résurrection du Christ est d'une plus grande signification cosmique que ce que notre perspective anthropocentrique classique admettrait.
Nous pouvons voir cela se dérouler liturgiquement dans la célébration solennelle de la grande veillée pascale. Les éléments terrestres essentiels du feu et de l'eau ancrent de manière viscérale notre expérience de la commémoration du triomphe du Christ ressuscité sur la mort. Le rappel de l'histoire du salut commence par la lecture du poème de la première création dans la Genèse et se poursuit avec le psaume 104 invitant l'Esprit à "renouveler la face de la terre."
La proclamation de l'Exultet (voir le nouveau texte français sur le site du journal La Croix, https://international.la-croix.com/fr/prions/textes-et-prieres-de-la-nuit-du-samedi-19-au-20-avril-2025-veillee-pascale) s'ouvre aussi par une adresse à toute la terre : "Exultez ! Que la terre elle aussi soit heureuse, irradiée de tant de feux ! Illuminée de la splendeur du Roi éternel, qu'elle voie s'en aller l'obscurité qui recouvrait le monde entier."
La présence sacramentelle du Christ dans l'Eucharistie met en évidence la permanence de la présence divine, précisément dans le "fruit de la terre" que nous consommons dans la communion.
Du point de vue de la spiritualité, élargir notre réflexion sur la signification de la résurrection du Christ au-delà de nos propres intérêts individuels, familiaux ou même d'espèce pour inclure l'ensemble de la création de Dieu nous invite à voir le monde davantage comme Dieu le voit, et nous invite à nous comporter comme de meilleurs membres de la famille unique de la création.
Le pape François, dans sa lettre encyclique de 2015, "Laudato Si', sur la sauvegarde de la maison commune," (texte français ici) a souligné ce fait, que nous participons à une unique famille, celle de la création. Il note que les créatures non humaines ne servent pas simplement de toile de fond à notre drame humain. Le pape lie explicitement cette réflexion à la résurrection, en écrivant : "Le destin ultime de l'univers est dans la plénitude de Dieu, qui a déjà été atteint par le Christ ressuscité."
François ajoute : "Le but ultime des autres créatures ne se trouve pas en nous. Au contraire, toutes les créatures avancent avec nous et à travers nous vers un point d'arrivée commun qui est Dieu. »
En célébrant le temps de la Pâque, puissions-nous renouveler notre compréhension du mystère pascal, afin de voir non seulement l'espérance eschatologique que la Résurrection apporte à l'homme, mais aussi l'espérance qui s'étend à l'immensité de la création de Dieu qui participe au parcours cosmique du salut.
Alors que nous passons de la trahison à la crucifixion, au silence puis à la gloire d'une vie nouvelle, n'oublions pas le reste de notre parenté. Car, comme nous le rappelle Elizabeth Johnson, "Au milieu d'un monde fracturé, inondé de violence, luttant contre l'injustice, plongé dans la mort quotidienne, chaque Pâque est une célébration de toute la transformation promise par la présence du Christ ressuscité."
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